La vidéo pourrait être généralisée dans les abattoirs dès le 1er janvier 2018

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©Pixabay

Une proposition de loi sur les conditions d’abattage est discutée ce jeudi après-midi en séance publique à l’Assemblée. Elle prévoit de rendre obligatoire la vidéo dans les 263 abattoirs de France.

Pour éviter que des actes de cruauté envers les animaux ne se reproduisent dans les abattoirs français, comme l’ont montré des vidéos chocs diffusées l’an dernier par l’association L214, le député Olivier Falorni propose l’adoption de deux amendements dans le cadre d’une proposition de loi sur l’abattage. Ils avaient déjà été présentés dans le cadre de la loi Sapin II mais rejeté par le Conseil constitutionnel en décembre pour une question de forme plus que de fond (cavalier législatif). Légèrement modifiés, ils seront donc à nouveau soumis au vote des députés ce jeudi lors d’un scrutin public entre 15 heures et 17 heures.

Le député centre gauche de la Rochelle, qui est aussi président de la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie, propose tout d’abord de généraliser la vidéo dans l’ensemble des 263 abattoirs de France, notamment «dans les lieux de mise à mort des animaux», une disposition qui serait obligatoire «à compter du 1er janvier 2018», le temps de lancer une phase d’expérimentation dans des établissements volontaires. «Nombre d’entre eux sont déjà équipés de caméras et certains ont récemment annoncé leur volonté de franchir ce pas , constate Olivier Falorni. La finalité exclusive de cette installation est la protection animale. Toutefois, si un accord collectif le prévoit, les images peuvent être utilisées à des fins de formation des salariés».

Seuls les vétérinaires auront accès aux images

Pour éviter tout débordement sur l’utilisation de ces images vidéo, il est par ailleurs prévu des garde-fous. «Les images ne pourront être conservées plus d’un mois et respecteront le régime de la loi de 1978 Informatique et libertés, en particulier en ce qui concerne les sanctions en cas de détournement de finalité ou de divulgation des images. Elles peuvent aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende», rappelle Olivier Falorni.

Par rapport au texte initial, les personnes ayant accès aux images ne sont en outre plus tout à fait les mêmes. N’y figure plus la direction de l’établissement, un élément de nature à rassurer les représentants du personnel. «Ces derniers craignaient que la direction utilise ces images à d’autres fins que celle prévue par la loi, reconnaît le parlementaire. La loi prévoit très clairement que la finalité exclusive est la protection animale». Seuls les services vétérinaires, qui sont déjà présents sur les lieux de mise à mort des abattoirs, auront accès aux vidéos. Désormais, les responsables de protection animale, dont le rôle est de plus en plus important dans ces établissements, auront aussi la possibilité de les visionner. «Le risque de flicage des salariés ne tient pas (…) puisque la direction de l’établissement n’est pas destinataire des images», a martelé Olivier Falorni ce matin. .

Un second amendement toujours présenté par Olivier Falorni a pour objet de réintroduire la possibilité pour les parlementaires (député, sénateur, et élu européen) «de visiter les abattoirs français pour vérifier s’ils respectent le bien être animal». Pendant six mois, le député s’est rendu de façon inopinée dans plusieurs abattoirs de France avec les membres de sa commission et a jugé utile de systématiser cette procédure de visite. À deux précisions près. Primo, les élus devront être accompagnés des services vétérinaires compétents. Secundo, ils ne pourront venir avec des journalistes. «Cette possibilité a été écartée en raison de l’inquiétude que cela avait suscitée chez les professionnels. Nous les avons entendus», commente Olivier Falorni.

Stéphane Le Foll dans une position médiane

Le scrutin risque d’être serré au Palais Bourbon car il dépasse le traditionnel clivage gauche droite. Il oppose les défenseurs du droit animal en référence à l’article L214 code rural reconnaissant qu’il est doté d’une certaine sensibilité aux industriels de la viande. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a adopté une position médiane. S’il s’est opposé à un contrôle vidéo systématique dans les abattoirs. Il est favorable dans un premier temps à une expérimentation du dispositif dans les établissements volontaires et son extension à une date ultérieure, sans préciser laquelle, après un retour d’expérience.

Étonnamment, la Confédération Paysanne est farouchement opposée à cette mesure, mettant en avant le droit des personnels. Pour le troisième syndicat agricole, «la vidéo pourrait être utilisée comme un outil de pression psychologique pour les salariés des abattoirs». Pour leur part, les industriels de la viande sont farouchement contre la généralisation de la vidéo dans les abattoirs. «La protection animale à l’abattoir n’est pas une affaire de caméras même si certains profitent de ce débat de société pour exister médiatiquement, dénonce Pierre Halliez, directeur général de Culture viande, une organisation professionnelle regroupant les entreprises du secteur. C’est est avant tout une question d’hommes, de formation et de bon sens».