Qui sont les Kurdes du “Moyen-Orient” ?

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Très médiatisés notamment pour leur lutte contre l’ei, leur laïcité prononcée et leur mise en valeur de l’émancipation des femmes combattantes du Moyen-Orient tant aimée par les politiques occidentales, les organisations se revendiquant du Kurdistan illustrent parfaitement cette minorité idéale susceptible d’être l’objet d’alliances, pour l’Occident, sur le terrain du Moyen-Orient.

En effet les Kurdes peuvent compter sur le soutien d’une multitude de pays dont les intérêts convergent dans la région ; ainsi la Russie et les Etats-Unis, que l’on nous dit opposés sur le dossier syrien, se retrouvent tous les deux à soutenir les Kurdes dans un concours d’intérêts convergents. La France, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Allemagne, le Canada, tous ont intérêt à défendre la création d’un Etat kurde d’inspiration marxiste au Moyen-orient, plutôt qu’un supposé « Califat islamique », ce qui est d’ailleurs le comble pour les pays occidentaux capitalistes.

Cependant, croire que l’ébauche actuelle du Kurdistan est un tout homogène serait une erreur. Les Kurdes sont en effet divisés en une multitude de factions. Si leurs idéologies n’est pas tant éloignées que cela les unes des autres, elles ont cependant des rivalités propres ainsi que des revendications différentes.  Bien que tous les groupes se revendiquent d’une même entité, ils divergent souvent selon leur rattachement à un pays. Dans chaque pays, le schéma d’organisation des mouvements kurdes est plus ou moins le même : un parti national, une branche féminine, une organisation de jeunesse, et des unités de combattants et combattantes.

Turquie

En Turquie, le PKK (Partiya Karkerên Kurdistan), le Parti travailleur du Kurdistan est présent. Ce parti est d’idéologie marxiste léniniste, existe depuis 1978, et est en guerre avec la Turquie depuis 1984. Son fondateur, Abdallah Ocalan, est emprisonné par le gouvernement turc depuis 1999. Régulièrement, le groupuscule retranché dans le Sud-Est de la Turquie, orchestre des attentats suicide contre les civils turcs et la police du gouvernement. Le PKK a également quelques bases au Nord de l’Irak. En Turquie, la branche armée du Parti porte le même nom, mais on trouve aussi le nom de HPG ( Force de Défense du peuple, Hêzên Parastina Gel). Toutes ces branches sont informelles et sont reconnues organisations terroristes à la fois par la Turquie et l’Occident. Toutefois, le parti politique HDP (Le Parti démocratique des peuples ; en turc : Halkların Demokratik Partisi ) siégeant au parlement turc se déclare ouvertement pro-PKK, et voit très régulièrement ses députés arrêtés.

Organigramme du PKK.
Source: médiapart

Syrie

Un groupe indissociable du PKK est présent, le PYD (le Parti de l’Union Démocratique). La branche armée est l’YPG (Les Unités de Protection du Peuple). Leur but est de joindre l’Est et l’Ouest de leur zone le long de la frontière turque dans un territoire autonome qu’il nomme le Rojava. Pour cela, le YPG compte sur beaucoup de protagonistes. En premier lieu, les Etats-Unis, leur assurant le soutien militaire et logistique. Mais les kurdes du PYD savent aussi compter sur les forces de Bachar al Assad et la Russie, grands alliés stratégiques. Nous en avons un exemple récent avec la décision du YPG de livrer toutes ses zones faisant front avec l’Armée libre et les Forces du Bouclier de l’Euphrate, au régime pour protéger Menbij, leur fief. Le YPG sait aussi compter sur un soutien d’une minorité d’Arabes. C’est avec cette minorité qu’ont notamment été formées les FDS (Forces démocratique Syriennes) une coalition militaire qui est née en octobre 2015. Active dans le nord de la Syrie, la coalition vise surtout à chasser l’État islamique de la zone.

Organigramme du YPG.
Source : médiapart

Irak

En Iraq, les Kurdes, nommés aussi Peshmergas, ont depuis la chute du régime de Saddam Hussein été les seuls à véritablement concrétiser l’utopie d’un Kurdistan indépendant. Dans l’actuel Kurdistan autonome, c’est le KRG, le Gouvernement Régional Kurde qui dirige les affaire de ce territoire. Le parti dominant le gouvernement kurde irakien s’appelle le KDP ( le Kurdistan Democratic Party), il est dirigé par Massoud Barzani.

Le Kurdistan irakien est interprété parfois comme une entité à part par les partis kurdes de Turquie et de Syrie. En effet, le PKK voit d’un mauvais oeil la très grande influence personnelle de Barzani et sa famille en Iraq. De plus, les Peshmergas et le PKK n’ont pas la même vision du Kurdistan unifié, le PKK ayant une doctrine communiste plus prononcée que le KRG. Ainsi le PKK se présente comme le parti du renouveau, d’un retour aux fondamentaux, au sein de la relève militante Kurdes. Le KRG est volontiers décrit comme vieillissant et corrompu. Mais le vrai contentieux vient du rapprochement du président Barzani avec le président Erdogan depuis 2010. En effet la Turquie entraîne et finance les forces Peshmergas au nord de l’Iraq, et cela est inconcevable pour le PKK ayant son leader Ocalan dans les geôles turques. Des conflits entre Peshemergas et PKK peuvent éclater, comme très récemment à la frontière irakienne, où les Peshmergas ont été empêchés d’entrer dans la ville de Snuny dans le village d’Hanasur [dans la province de Ninive] par les Unités de Défense de Sinjar de PKK. Les affrontements ont fait 1 mort et 3 blessés dans les rangs des Peshmergas. Les tensions sont aujourd’hui toujours présentes.

Organigramme des Peshemergas. En bleu, milices assyriennes, en rouge, yézidis.
Source : médiapart