La démographie est un combat. Les destructions de maisons palestiniennes sans permis et le retrait des titres de résidence comptent parmi les armes employées par les autorités pour changer les équilibres, quartier par quartier, rue après rue. On brandit le droit des Juifs à vivre partout, la possibilité d’acheter et de vendre en toute liberté, mais on tait les limitations drastiques imposées aux constructions palestiniennes. Il y a pire. La droite projette de modifier les limites administratives de la ville, pour englober la colonie de Maalé Adoumim à l’est, celle de Givat Zeev au nord, et le bloc du Goush Etzion au sud. La ligne verte de démarcation, issue de l’armistice de 1949 avec la Jordanie, ne serait plus alors qu’un lointain souvenir.
La majorité aimerait aussi se débarrasser – aucun autre verbe ne convient – des quelques 100 000 résidents palestiniens de Jérusalem qui vivent au-delà du mur de séparation, dont la construction a été lancée en 2002. Coupés physiquement de la ville, ils ne bénéficient d’aucun service municipal – en dépit du fait qu’ils payent des impôts locaux. Livrés à eux-mêmes, ils brûlent souvent leurs poubelles, faute de ramassage. Selon l’ONG Jérusalem terrestre, ces initiatives, pas encore entérinées par la Knesset (le Parlement israélien), représenteraient ” les changements les plus radicaux ” depuis juin 1967 dans le statut de Jérusalem-Est, pourtant destinée à devenir un jour la capitale d’un Etat palestinien, selon le consensus international.
Le gouvernement et la mairie négligent les quartiers arabes depuis des décennies. Comme si Israël refusait de sortir de l’ambiguïté : Jérusalem est célébrée comme une et indivisible depuis 1967, mais des pans entiers, peuplés par les Palestiniens, forment un corps étranger, ne méritant pas qu’on le redresse. Il suffit d’aller à Silwan, au pied de la vieille ville, pour parcourir des ruelles dignes du tiers-monde.