L’Unesco inscrit Hébron au Patrimoine mondial et suscite la fureur des Israeliens

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Le Comité du Patrimoine mondial de l’Unesco a classé la vieille ville d’Hébron, située dans le sud de la Cisjordanie, comme site « d’une valeur universelle exceptionnelle », vendredi 7 juillet. Réunis à Cracovie (Pologne), douze Etats se sont prononcés en faveur du classement de la cité en tant que site palestinien, six se sont abstenus et trois ont voté contre. L’Unesco estime que les propriétés palestiniennes de la vieille ville sont menacées de destruction ou de dégradation. Israël, pour sa part, dénonce une réécriture de l’histoire niant les liens millénaires des juifs avec Hébron.

Située à une trentaine de kilomètres au sud de Jérusalem, Hébron est l’une des cités du monde les plus anciennement habitées, sacrée à la fois pour les musulmans, les juifs et les chrétiens. Elle abriterait les dépouilles d’Abraham, père des trois religions monothéistes, de son fils Isaac, de son petit-fils Jacob et de leurs épouses.

La mosquée d’Ibrahim, ou tombeau des Patriarches pour les juifs, est un lieu de tensions très important. Hébron est le seul endroit en Cisjordanie où quelques centaines de colons vivent au cœur de la ville, protégés par l’armée israélienne. Les habitants palestiniens, eux, voient leur liberté de mouvement très restreinte.

Les relations entre communautés ont connu des épisodes sanglants. A l’époque du mandat britannique en Palestine, en 1929, la communauté juive d’Hébron avait été endeuillée et contrainte à la fuite à la suite du massacre de 67 de ses membres. En février 1994, un colon né aux Etats-Unis, Baruch Goldstein, a tué par balles 29 musulmans pendant une prière à l’intérieur de la mosquée d’Ibrahim. Depuis ce jour, le secteur touristique palestinien est sinistré. L’une des artères principales de la vieille ville, comptant d’innombrables petites échoppes, a été condamnée par l’armée.

Une musulmane lit le Coran dans la mosquée d’Ibrahim, que les juifs considèrent comme le tombeau des Patriarches, à Hébron, en Cisjordanie. Photo : Reuters

« Biaisé », « honteux » et « antisémite »

Le vote de vendredi à l’Unesco « célèbre les faits et rejette le harcèlement politique honteux de haut niveau et les tentatives d’extorsion », s’est félicité le ministère palestinien des affaires étrangères, en référence à l’effort diplomatique israélien contre le vote. De son côté, le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, a salué « une nouvelle affirmation de nos droits complets sur Hébron et sur toute la terre palelestinienne », selon un communiqué de son porte-parole.

Côté israélien, dans les minutes qui ont suivi le scrutin, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, lançait une série de messages vengeurs sur Twitter. Il évoquait une « tache morale » infligée par une « organisation sans importance », qui « promeut une fausse histoire ». « La vérité est éternelle », ajoutait-il dans un autre Tweet, avant de fustiger une nouvelle fois « l’Unescroc », cette fois en français. « Biaisé », « honteux » et « antisémite », estimait de son côté le ministre de la défense, Avigdor Lieberman.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a, quant à lui, qualifié de « délirante » cette décision. L’Unesco a « estimé que le tombeau des Patriarches à Hébron est un site palestinien, ce qui veut dire non juif, et que c’est un site en danger », a-t-il déclaré dans une vidéo sur sa page Facebook :

« Pas un site juif ? Qui est enterré là ? Abraham, Isaac et Jacob. Sarah, Rebecca, et Léa. Nos pères et nos mères (bibliques) (…) Et le site est en danger ? Il n’y a que dans les endroits où Israël est présent, comme Hébron, que la liberté de religion est garantie pour tous. »

« Donc nous continuerons à préserver le tombeau des Patriarches, la liberté de religion pour tous, et nous continuerons à préserver la vérité », a-t-il conclu.

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Une telle fureur israélienne est habituelle, après chaque vote défavorable à l’Unesco – une institution où, à intervalles réguliers en raison de ses équilibres internes, l’Etat hébreu est mis en difficulté et l’occupation dénoncée. La Palestine est membre de l’Unesco depuis fin 2011. Deux lieux dans les territoires occupés ont déjà été classés au Patrimoine mondial : l’église de la Nativité à Bethléem et les collines terrassées autour du village de Battir. En mai, le premier ministre Benyamin Nétanyahou avait décidé de diminuer d’un million de dollars la contribution israélienne à l’ONU, après le vote d’une nouvelle résolution critique au comité exécutif de l’Unesco.